Deux frères, 15 et 21 ans. Une enfance fracassée. Des stations-service pillées. Une addiction dévorante à l’ice, cette saloperie de méthamphétamine qui s’infiltre dans le cerveau et broie toute humanité. Ils n’ont pas braqué des bijouteries. Ils n’ont pas volé des banques. Non, ils se sont attaqués à des stations-service, ces temples modernes où l’on vend du carburant à prix d’or, des chips hors de prix et des cigarettes à des ouvriers qui crèvent déjà sous le poids du quotidien. Et tout ça pour quoi ? Pour acheter du poison en poudre, pour oublier qu’ils ne sont rien, pour s’anesthésier face à une société qui les a déjà condamnés bien avant qu’ils ne commettent leur premier vol.
On pourrait s’arrêter là et dire : « Des voyous. Encore des parasites qui vivent sur le dos des honnêtes gens. » Mais ce serait trop facile. Trop confortable. Parce que cette histoire est bien plus qu’un simple fait divers. C’est un putain de miroir que personne ne veut regarder. Un miroir qui renvoie l’image d’une société qui produit ses propres criminels, les abandonne à leur sort et s’étonne ensuite quand ils explosent en plein vol. Alors aujourd’hui, on va mettre les mains dans la boue. On va creuser au-delà des apparences. On va voir ce que personne n’a envie de voir.
Chapitre 1 : la rue, l’autre système pénitentiaire
Vivre dans la rue à 15 ans, c’est déjà une condamnation. Pas une condamnation judiciaire, mais une condamnation sociale. Ces frères n’ont pas atterri là par hasard. Ils ont fui un père violent, une famille brisée, un environnement où ils n’avaient aucune place. Dès cet instant, la société aurait dû voir la bombe à retardement. Mais non. Parce que les sans-abris sont invisibles, à moins qu’ils ne fassent du bruit.
Parlons franchement. Quand tu grandis dans une famille normale, tu apprends des règles, des limites, des valeurs. Quand tu grandis dans la rue, tu apprends une seule chose : comment ne pas crever. Personne ne va te prendre par la main pour t’expliquer que voler, c’est mal. Personne ne va t’expliquer que la drogue, c’est dangereux. Parce que dans la rue, tu ne vis pas, tu survis.
La rue, c’est une autre forme de prison, sauf qu’ici, pas de matons, pas de règles, pas d’heure de sortie. Une cellule à ciel ouvert où la loi du plus fort domine et où les plus faibles sont condamnés à se transformer en prédateurs pour ne pas être des proies. On n’y vit pas, on y survit. Le vol devient un acte de nécessité, l’ice une échappatoire, une béquille chimique pour oublier que l’on n’a rien, que l’on n’est rien. La rue n’est pas un choix. C’est la conséquence d’un monde qui abandonne ses gamins.
Chapitre 2 : quand la méthamphétamine devient un mode de vie
Il y a des drogues qui te détruisent lentement. Et puis il y a l’ice. Celle-là, elle ne prend pas de gants. Elle te bouffe le cerveau en un temps record. Elle te transforme en zombie bien plus vite que la prison ne le fera jamais. Pourquoi ces jeunes y tombent-ils si facilement ? Parce que l’ice, c’est le raccourci parfait pour échapper à la réalité. Une seule prise et tu n’as plus faim. Tu n’as plus froid. Tu n’as plus peur. Tu deviens invincible. Du moins, c’est ce que tu crois.
Et pendant ce temps, ceux qui la vendent comptent leur argent. Pas les petits dealers de rue, non. Ceux-là sont aussi paumés que leurs clients. Les vrais responsables, ce sont les fournisseurs, les trafiquants, ces types en costard qui encaissent des millions sans jamais toucher à la marchandise. Ils savent qu’ils détruisent des vies. Ils s’en tapent. Ils savent que chaque nouveau toxico, c’est un client fidèle pour longtemps – ou du moins, jusqu’à ce qu’il crève. Mais bizarrement, eux, on ne les attrape jamais. Ils restent dans l’ombre pendant que des gamins se font enfermer pour un braquage à deux balles.
Le grand frère, lui, a cramé 1,5 million de francs en ice. 1,5 million partis en fumée, dans une spirale infernale où chaque dose appelle la suivante. C’est ça, la réalité de la drogue. Ce n’est pas un luxe. Ce n’est pas un plaisir. C’est une guerre chimique contre soi-même, et la plupart de ceux qui y entrent ne s’en sortent jamais.
Chapitre 3 : voler pour survivre, vraiment ?
Certains diront : « Ils ont fait un choix. Ils auraient pu travailler honnêtement. » Vraiment ? Travailler à 15 ans, quand on a tout quitté, quand on est rejeté par sa propre famille, quand le monde ne voit en vous qu’un problème ? Ce n’est pas un choix, c’est une impasse. Ces jeunes n’ont pas volé pour s’enrichir. Ils n’ont pas pris cet argent pour partir en vacances à Bora Bora. Ils ont volé parce qu’ils n’avaient rien. Parce que quand vous êtes rejeté par la société, vous prenez ce dont vous avez besoin sans demander la permission.
Ces deux frères ne sont pas des criminels de haut vol. Ils ont volé quoi ? Du tabac, des recharges de téléphone, des tickets de jeu, quelques bouteilles d’alcool. Tout ce qu’ils pouvaient prendre sans se faire choper sur le champ. Ce n’est même pas un « casse ». C’est du pillage de survie.
Et pourtant, regardez la réaction. On en fait une affaire judiciaire. On les traîne devant un tribunal. On les condamne à de la prison. Mais posez-vous une vraie question : qu’auriez-vous fait à leur place ? Imaginez que demain, vous perdez tout. Pas juste votre job. Pas juste votre maison. Imaginez que vous n’avez plus de famille, plus d’amis, plus rien. Que vous dormez dans la rue. Que vous avez faim. Que la seule chose qui vous permet d’oublier votre enfer, c’est une drogue qui coûte cher. Vous feriez quoi ? Vous iriez gentiment déposer un CV dans un supermarché en espérant qu’on vous embauche avec votre tronche de clochard ? Ou vous prendriez ce dont vous avez besoin, sans demander la permission ?
C’est ça, l’angle mort de cette histoire. Ces jeunes n’ont pas volé par plaisir. Ils ont volé parce que le système ne leur a laissé aucun choix. Et maintenant qu’ils sont pris, on va leur faire payer le prix fort. Mais ceux qui les ont laissés en arriver là, eux, ils ne paieront jamais.
Mais voilà l’ironie. Quand un milliardaire fraude le fisc pour plusieurs millions, on appelle ça de « l’optimisation fiscale ». Quand un politicien détourne de l’argent public, on parle de « scandale ». Mais quand un gamin vole des stations-service pour survivre, il devient un criminel. Deux poids, deux mesures.
Chapitre 4 : une justice aveugle qui ne condamne que les pauvres
Le frère aîné a déjà été incarcéré trois fois. Trois fois, et toujours la même histoire. La prison n’a rien changé. Pourquoi ? Parce que la prison, dans ces cas-là, ce n’est pas une solution, c’est une escale. On enferme un problème pendant un temps, puis on le relâche, plus endurci, plus brisé, plus méprisant encore envers une société qui l’a toujours vu comme un déchet.
La justice. Cette grande dame supposée impartiale, équilibrée, juste. Mais quand on regarde de plus près, on se rend compte qu’elle a un sérieux problème de vision. Elle voit très bien quand il s’agit de taper sur les plus faibles, mais devient soudainement aveugle dès que les coupables portent un costume et une cravate.
La justice doit-elle punir ou réparer ? C’est là toute la question. Ces jeunes sont déjà en miettes. Les renvoyer en prison, c’est s’assurer qu’ils en ressortent pires qu’avant. Une solution ? Un système où l’incarcération ne serait qu’un début, pas une fin. Où les condamnés seraient obligés d’apprendre, de se reconstruire, de sortir de leur spirale infernale. Mais ce n’est pas le chemin qu’on leur propose. On préfère les enfermer, les oublier, puis s’étonner quand ils recommencent.
Mais allons encore plus loin. Regardez les délits en col blanc. Les hommes politiques corrompus, les patrons qui volent des millions en fraudant le fisc, les entreprises qui exploitent des gamins à l’autre bout du monde pour produire des baskets à prix cassé. Quand ils se font attraper – ce qui est rare – ils prennent quoi ? Une amende. Une tape sur la main. Un rappel à la loi. Mais quand un môme crève de faim et vole quelques cartouches de cigarettes, là, d’un coup, on veut être intransigeants.
On veut faire un exemple. On veut montrer que la société ne tolère pas le crime. Mais quel crime exactement ? Celui qui se voit. Celui qui dérange. Celui qui fait peur aux honnêtes gens dans leurs quartiers bien rangés. La justice n’est pas aveugle. Elle est sélective. Elle punit ceux qui ne peuvent pas se défendre et tolérante avec ceux qui ont les moyens d’échapper à ses griffes.
Et ne nous mentons pas. Ce gamin de 21 ans, condamné à deux ans de prison, va en ressortir pire qu’avant. La prison, dans ces cas-là, ce n’est pas une solution. C’est une école du crime. Il va y apprendre de nouvelles méthodes, rencontrer des criminels plus endurcis, développer une haine encore plus profonde envers la société. Et quand il sortira, il n’aura plus rien à perdre. On croit l’avoir puni. On ne fait que nourrir la bête.
Chapitre 5 : une société qui se voile la face
Il y a une hypocrisie gigantesque dans cette histoire. Tout le monde va se scandaliser du vol. Tout le monde va dire que ces jeunes sont dangereux, qu’ils méritent leur sort. Mais personne ne va se demander comment on en est arrivé là.
Parce que pour beaucoup, ces gamins n’ont jamais existé. Ce sont des fantômes. Ils dorment dehors, ils traînent dans les parkings, ils errent dans les rues, et tant qu’ils ne font pas de bruit, on les ignore. Jusqu’au jour où ils deviennent « un problème ». Jusqu’au jour où ils entrent par effraction dans notre petite bulle de confort. Là, on s’indigne. Là, on réclame des sanctions. Mais où étiez-vous quand ces enfants ont commencé à sombrer ?
Personne ne veut voir la misère. Personne ne veut voir ces jeunes se droguer sur les trottoirs. Personne ne veut voir ces familles exploser sous la violence et la précarité. Parce que ça mettrait tout le monde face à une réalité dérangeante : nous avons laissé faire. On a laissé ces gosses tomber dans l’oubli, et maintenant qu’ils frappent à la porte avec des méthodes un peu trop brutales, on voudrait les effacer une bonne fois pour toutes.
Mais la misère ne disparaît pas en mettant les pauvres en prison. Elle ne s’évapore pas sous prétexte qu’on refuse d’en parler. Ces jeunes sont le produit d’un système qui broie ceux qui n’ont pas eu la chance de naître au bon endroit, dans la bonne famille. Vous voulez les enfermer ? Allez-y. Mais il y en aura d’autres. Parce que tant qu’on n’aura pas réglé le problème à la racine, tant qu’on continuera à ignorer les gamins paumés jusqu’à ce qu’ils deviennent des criminels, on restera coincés dans cette boucle infernale.
Si nous continuons à traiter ces jeunes comme des criminels sans avenir, alors nous continuerons à en fabriquer d’autres. D’autres pays ont compris que la punition ne suffit pas. En Norvège, par exemple, la justice se concentre sur la réhabilitation. Les jeunes criminels y sont formés, éduqués, accompagnés vers un vrai futur. Résultat ? Moins de récidive, moins de crime.
À Tahiti, comme en France, nous préférons des solutions à court terme. Enfermer, punir, libérer, recommencer. Un cycle infernal qui coûte cher et ne sert à rien. Pourquoi ne pas créer des centres de réinsertion efficaces ? Pourquoi ne pas forcer les trafiquants d’ice à payer pour les dégâts qu’ils causent ? Pourquoi ne pas briser ce cercle vicieux plutôt que de le nourrir ?
Chapitre 6 : les solutions qu’on refuse d’envisager
Si ces gamins avaient grandi dans une société qui leur offrait une vraie chance, est-ce qu’ils auraient fini par braquer des stations-service ? Probablement pas. Alors au lieu de se demander comment on peut mieux punir, pourquoi ne pas se demander comment on peut empêcher ça d’arriver ?
1. Une prise en charge réelle dès les premiers signaux
Ces jeunes ne sont pas tombés dans la rue du jour au lendemain. Ils ont fui un foyer violent, une famille brisée. Pourquoi personne n’a-t-il agi avant qu’ils en arrivent là ? On sait très bien identifier les enfants en danger, mais on préfère fermer les yeux. Il faudrait des structures d’accueil adaptées, avec un vrai suivi, un accompagnement éducatif et psychologique. Pas juste des foyers où on entasse les gosses en attendant qu’ils soient majeurs et qu’ils dégagent.
2. Un programme de désintoxication forcée pour les jeunes toxicomanes
L’ice détruit en quelques mois. Un jeune accro à la méthamphétamine n’a aucune chance de s’en sortir seul. Lui laisser le choix de se soigner ou non, c’est de la connerie pure. Il faut des programmes obligatoires, encadrés par des professionnels. Pas des cures bidons où on les enferme quelques semaines avant de les relâcher sans suivi.
3. Une justice qui punit des vrais coupables
Les petits voleurs finissent en prison, mais les gros dealers continuent leurs affaires tranquillement. C’est un putain de scandale. Il faut remonter la chaîne, taper sur ceux qui tirent les ficelles. Et ne me dites pas que c’est impossible. Quand on veut vraiment traquer quelqu’un, on trouve toujours un moyen.
4. L’arrêt de l’hypocrisie sociale
Arrêtons de feindre la surprise quand des jeunes sombrent dans la criminalité. Arrêtons de nous indigner quand la misère finit par se retourner contre nous. On ne peut pas laisser des gosses crever dans la rue et ensuite s’étonner qu’ils deviennent dangereux.
Conclusion : la société a déjà condamné ces deux frères
Ces deux frères sont coupables, mais ils sont surtout les produits d’un système qui a échoué. On peut continuer à les enfermer, à les juger, à les mépriser. Ou on peut s’arrêter une seconde et se demander : comment en est-on arrivé là ? Qui est réellement responsable ?
La vérité, c’est que ces gamins étaient foutus avant même de commettre leur premier vol. Et aujourd’hui, au lieu de se demander comment les sauver, on préfère les enfermer et oublier qu’ils ont existé. Mais combien d’autres suivront ? Combien de temps avant que ce système ne finisse par imploser complètement ?
Parce que tant que la précarité, la drogue et l’indifférence régneront, il y aura d’autres frères, d’autres gamins, d’autres histoires comme celle-ci. Et tant que nous nous contenterons de les juger sans voir plus loin, nous serons complices d’un monde où des enfants doivent voler pour survivre.
Vous voulez une vraie solution ? Regardez la réalité en face. Acceptez que la misère ne disparaît pas en jetant ses victimes en prison. Et demandez-vous ce que vous pouvez faire, à votre échelle, pour éviter que d’autres enfants finissent comme ces deux frères. Parce que tant qu’on ne bougera pas, tant qu’on ne repensera pas nos priorités, l’histoire se répétera encore, et encore, et encore.
Le vrai crime, ce n’est pas leur vol. Le vrai crime, c’est de les avoir abandonnés.
Si ce que vous venez de lire vous choque, tant mieux. Cela signifie que vous êtes encore capable de réfléchir. Que vous ne vous contentez pas de voir ces jeunes comme des criminels, mais comme les symptômes d’un problème bien plus profond.
Alors, maintenant, la vraie question est : qu’allez-vous faire à votre échelle quand vous verrez des jeunes abandonnés à leur propre sort dans la rue ? Les ignorer ? (Une fois de plus)